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  • Photo du rédacteurPhilippe Denis

Des chats, des chiens, des canards et des humains



« Quelle est la première chose que vous faites le matin en vous réveillant? »


« Je pèse sur snooze. »


En effet. Dans mon intention d’amener les gens à écouter les réactions de leur corps, bien souvent je me rends compte que nous sommes en fait à l’écoute de nos obligations, de nos horaires, de tout sauf de l’essentiel. Souvent, les gens qui veulent profiter du plus grand nombre d’heures de sommeil possible programment le réveil à la toute dernière minute et se lèvent dès que le cadran sonne, sautent sous la douche et commencent leur journée sur des chapeaux de roue.


Pourtant, un des premiers gestes que nous devrions faire le matin (et à plusieurs reprises durant la journée d’ailleurs) est de nous étirer. Par là, vous avez surement deviné, je parle de ces étirements spontanés que nous faisons lorsque nous avons passé le plus clair de notre nuit à ne pas bouger, étirements qui sont souvent accompagnés de baillements. Ces mouvements, bien qu’étant volontaires, nous forcent à bouger dans certaines directions plutôt que dans d’autres. Lorsque vous terminez ces gestes qui durent quelques secondes, vous vivez une sensation de bien-être subtil.

Comme si vos muscles, après une période d’immobilité prolongée, étaient prêts à commencer leur journée.


Ce phénomène qui semble répondre à une nécessité (comme le baillement d’ailleurs), se retrouve chez tous les vertébrés. Si vous avez des animaux domestiques, vous avez certainement remarqué que vos chats et vos chiens se laissent joyeusement aller et ce, environ 40 fois par jour…


QU’EST-CE QUE C’EST


Contrairement à une séance de stretching, ces étirements spontanés semblent un peu aléatoires et nous les faisons de façon purement instinctive. Nous appelons ça « nous étirer », mais si vous êtes attentifs à ce qui se passe, vous remarquerez que ce ne sont pas tant des étirements à proprement parler, mais une série de contractions et de relâchements.


Le terme exact est « pandiculation ». À part impressionner votre grand-mère lors de votre prochaine partie de Scrabble, en savoir plus sur le sujet pourrait vous aider à développer un meilleur équilibre musculaire, une meilleure souplesse, une mobilité accrue, ainsi que de vous aider avec certaines douleurs.


Rien que ça.


Voyez-vous, je suis persuadé que contrairement à Fluffy le chat, vous ne vous laissez pas aller à des gestes de pandiculation aussi fréquemment. Je crois que nous devrions tous. En fait, je vais attribuer la faute à notre culture et notre éducation, qui fait fausse route souvent, et qui fait qu’à quelque part dans l’histoire, nous avons décidé que de nous étirer sur notre chaise d’école pendant le cours était impoli…


Essayez ça pour voir. À l’arrêt d’autobus, au centre d’achat, au travail, en classe, en réunion, commencez à vous étirer et, pour les plus rebelles d’entre vous, laissez-vous aller à un bon baillement bien sonore…


Pas évident n’est-ce pas? Notre conditionnement social nous a montré que ces choses-là ne se font pas. Pourtant, nous aurions intérêt à nous reconnecter avec partie de nous-même.


POURQUOI C’EST IMPORTANT?


Que nous passions l’essentiel de nos journées assis ou que nous pratiquions un sport ou une activité quelconque, nous développons à la longue des tensions musculaires. Lorsqu’un muscle est contracté pendant un certain temps, ou bien s’il est raccourci pendant une période prolongée, il développe ce que nous appelons de l’amnésie somato sensorielle. Ce que ça veut dire est que, bien qu’un muscle ne soit capable que de deux actions (se contracter et se relâcher), des contractions prolongées ont tendance à « fixer » les muscles dans un certain état de tension, comme si le muscle ne savait plus comment se décontracter. La plupart de ces phénomènes passent inaperçus jusqu’à ce que votre massothérapeute « appuie sur un nœud », ou bien encore se manifeste par une douleur musculaire, un problème d’épaule, etc.


La pandiculation serait donc un mécanisme naturel et un antidote à cette amnésie musculaire.


Je ne dirai pas que Fluffy ne développe jamais de problèmes articulaires. Par contre, vous avez surement remarqué que même si votre chat est vieux, il peut toujours courir et sauter avec une certaine grâce. Pas aussi souvent vous me direz, mais ces gestes demeurent possibles tout au long de sa vie.


Ce n’est pas souvent le cas pour nous, vous avez surement remarqué…


CE QUE DIT LA SCIENCE


Comme dans beaucoup de domaines, il n’y a pas de consensus. Olivier Walusinski, un médecin généraliste et spécialiste du baillement, la pandiculation apparaît chez le fœtus vers la douzième semaine de grossesse et semble répondre à la raideur des membres suite à une immobilité prolongée (Science et Vie, 31 octobre 2015).


Au niveau neurologique, lorsqu’un muscle est contracté volontairement, les récepteurs sensoriels du muscle envoient une information au cortex sensoriel moteur du cerveau (au niveau des lobes pariétaux), indiquant que la longueur du muscle a changé ainsi que son niveau de tension. Dans le cas d’une amnésie sensori motrice, il y a une perte de contrôle de la tension musculaire. Autrement dit, vous perdez l’habileté de ressentir vos muscles correctement, ce qui affecte votre capacité de mouvement.


Il est intéressant de noter, encore une fois, que les tensions musculaires ne sont pas un problème au niveau des muscles, mais un problème dans la perception. Ce que ça veut dire, c’est que tout état de tension musculaire parasite est en fait un événement neurologique et qu’il est logique de considérer le cerveau dans nos approches thérapeutiques. À mon avis, le futur des thérapies alternatives doit tenir compte de ce fait.


Donc, les tensions musculaires se développent par le stress répétitif, les traumatismes, les actions répétées ou le manque de mouvement. Il est possible de développer des tensions aussi bien en faisant du sport qu’en regardant la télé en mangeant des Doritos.


LE STRETCHING


Bien que je réserve le sujet du stretching pour un autre article, il est important de mentionner ici que le stretching et la pandiculation sont deux actions bien distinctes qui stimulent le système de façons très différentes.


Lorsque vous vous étirez de façon ciblée et statique (comme de vous pencher en avant afin d’étirer les muscles à l’arrière des cuisses), vous stimulez ce qu’on appelle le réflexe d’étirement. Ce réflexe a pour but de protéger le muscle d’un étirement excessif.


Lorsque vous vous étirez, des récepteurs à l’intérieur de vos muscles envoient un signal à la moelle épinière qui commande aussitôt la contraction spontanée du muscle. Comme c’est un réflexe de protection d’urgence, le signal ne se rend pas au cerveau. L’avantage est que le trajet que l’influx nerveux doit parcourir est très court, ce qui engendre une réaction très rapide. Dans la mesure où vous voulez protéger vos muscles d’une éventuelle déchirure, c’est une excellente nouvelle.


Par contre, comme le message n’atteint pas le cerveau, les modifications apportées aux muscles ne sont pas durables. Il en résulte une anesthésie temporaire qui permet au muscle de s’allonger d’avantage, mais comme le cerveau n’est pas stimulé par la manœuvre, les muscles « n’apprennent » pas.


LA GRANDE DIFFÉRENCE


En ce qui concerne les gestes de pandiculation, la dynamique est très différente. Plus haut, je disais qu’en fait, ce ne sont pas tant des étirements que des séries de contractions et de relâchements. La différence fondamentale est que le cerveau, en particulier les lobes pariétaux, sont sensibles à ces actions. Lorsque vous pandiculez, des informations concernant le niveau de contraction des muscles, ainsi que de leur longueur, sont envoyées aux lobes pariétaux et analysées. Le cerveau peut ainsi « ressentir » si des points de tensions sont présents et agir en conséquence. Par des gestes de pandiculation, il est non seulement possible de diminuer ces tensions musculaires, mais de maintenir cet état de relâchement.


C’est que contrairement à la moelle épinière et à la nature du réflexe d’étirement, le cerveau à la capacité d’apprendre. Les gestes de pandiculation envoient des informations à un endroit où celles-ci peuvent être retenues.


En résumé, la pandiculation apporte des changements plus durables au sein des muscles en raison du fait que le cerveau a la capacité d’apprendre une nouvelle position de repos pour chaque muscle. Il ne s’agit pas de remodeler les tissus, mais de recréer le souvenir d’un état de relâchement temporairement oublié, ce que des étirements statiques ciblés ne peuvent pas faire.



Sources:















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